Accoudés sur la table et déjà noyés d’ombre, Du haut de la terrasse à pic sur la mer sombre, Les amants, écoutant l’éternelle rumeur, Se taisent, recueillis devant le soir qui meurt. Alcis songe, immobile et la tête penchée. Canope avec lenteur de lui s’est rapprochée Et, lasse, à son épaule a laissé doucement Comme un fardeau trop lourd glisser son front charmant. Tout s’emplit de silence… Au fond des cours lointaines On entend plus distinct le sanglot des fontaines ; Par endroits sur le port une lumière luit ; Et l’étrange soupir qui monte vers la nuit, Mystérieux aveu du cœur profond des choses, Ce soir, se fait plus doux de passer sur les roses. Alcis songe… Et la paix immense, la douceur Nocturne, l’infinie et calme profondeur, Le croissant et l’étoile, à sa base, qui tremble, Et la mer murmurante, et cette enfant qui semble, Avec son cou sur lui renversé sans effort, Comme morte d’amour parmi ses cheveux d’or, Tout l’exalte ! Une lente et solennelle ivresse Semble élargir jusqu’aux étoiles sa tendresse ! Frémissant, il se penche et contemple un long temps Le front uni voilé par les cheveux flottants, Et la bouche de rose où luit l’émail des dents, Et le beau sein qu’un rythme égal et lent soulève… Des feuillages au loin bruissent… La nuit rêve… Alcis, les yeux au ciel, avec un lent baiser Sur la bouche a [laissé]1 son âme se poser ; Et tout à coup son cœur semble en lui se briser ! Car il le sent, jamais, jamais plus dans sa vie, Il ne retrouvera l’adorable accalmie, La nuit et le silence, et cette mer amie, Et ce baiser, dans l’ombre, à Canope endormie.
Six mélodies , opus 31
by Charles Koechlin (1867 - 1950)
1. Le Sommeil de Canope  [sung text checked 1 time]
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- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Le Sommeil de Canope", appears in Aux Flancs du Vase, no. 5, first published 1898
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Faith J. Cormier) , "Canope's Slumber", copyright © 2004, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Canopes Schlummer", copyright © 2004, (re)printed on this website with kind permission
Confirmed with Albert Samain Œuvres de Albert Samain, Paris, Mercure de France, 1921, in Le Chariot d’or. La Symphonie héroïque. Aux flancs du vase, pages 243-244.
1 Koechlin: "senti"Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
2. Le Cortège d'Amphitrite  [sung text checked 1 time]
Le cortège léger glisse aux plaines liquides Une rose lueur teinte le flot changeant C'est la jeune Amphitrite, en sa conque d'argent, Qui passe sur la mer avec ses Néréides. L'archipel a surgi vers les lointains limpides; Les Tritons font sonner leurs trompes en nageant, Et de leurs bras la nymphe en vain se dégageant Sent ses beaux seins piqués par leurs barbes squalides. Les vagues doucemont ondulent, l'air est pur; Amphitrite sourit, toute nue, à l'azur, Et la brise ramène en avant ses cheveux, Pendant que les dauphins de leurs mufles hideux, Font jaillir l'eau marine en gerbes devant elle.
Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Le Cortège d'Amphitrite", written 1898?, appears in Aux Flancs du Vase, no. 6, Paris, Éd. du Mercure de France, first published 1898
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]3. L'Île ancienne  [sung text checked 1 time]
Je rêve d'une île ancienne, D'une île grecque au nom d'or pur, Ouverte, rose, sur l'azur De quelque mer Ionienne... Je le vois se mirer dans l'eau, Touffe de verdure embaumée, Avec sa ville parsemée, Toute blanche au flanc du coteau. Je vois des portiques de marbre Surgir dans le soleil levant. Les oliviers frémir au vent Et les abeilles dans les arbres... Les vierges s'en vont à pas lents, Traînant par les prés d'asphodèles Des robes que leur corps modèle, Aux grands plis légers et flottants. Le ciel est doux, au loin palpite L'hymne divin de la couleur; Un enfant, beau comme une fleur Chante l'âme de Théocrite; Des vaisseaux passent au loin, Venant d'Ophir ou de Golconde; Vénus tord sa nudité blonde Dans le sourire du matin. Je rêve d'une île ancienne, D'une île grecque au nom d'or pur, Ouverte, rose, sur l'azur De quelque mer Ionienne... Heureuse à la lumière exquise Mon âme est celle des bergers Dont les chevreaux broutent, légers, Parmi le thym et le cytise.
Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Je rêve d'une île ancienne", appears in Aux Flancs du Vase, in Poèmes inachevés
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Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]4. La Maison du matin  [sung text checked 1 time]
La maison du matin rit au bord de la mer, La maison blanche, au toit de tuiles rose clair Derrière un pâle écran de frêle mousseline, Le soleil nuit, voilé comme une perle fine, Et du haut des rochers redoutés du marin, Tout l'espace frissonne au vent frais du matin... Lyda, debout au seuil que la vigne décore, Un enfant sur les bras, sourit, grave, à l'aurore, Et laisse, regardant au large, le vent fou Dénouer ses cheveux mal fixés sur son cou Par l'escalier du ciel l'enfantine journée Descend, légère et blanche, et de fleurs couronnée; Et, pour mieux l'accueillir, la mer au sein changeant Scintille à l'horizon, toute blanche d'argent Mais déjà les enfants s'échappent; vers la plage Ils courent demi nus chercher le coquillage ; En vain Lyda les gronde, enivrés du ciel clair Leur rire de cristal s'éparpille dans l'air. La maison du matin rit au bord de la mer.
Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "La Maison du matin", written 1897?, appears in Aux Flancs du Vase, no. 23, first published 1897
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First published in La Revue des Deux Mondes, December 1, 1897; then published in 1898 in Aux flancs du Vase, Paris, Éd. du Mercure de France
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5. Le Repas préparé  [sung text checked 1 time]
Ma fille, laisse là ton aiguille et ta laine, Le maître va rentrer... sur la table de chêne, Avec la nappe neuve aux plis étincelants, Mets la faïence claire et les verres brillants; Dans la coupe arrondie à l'anse en col de cygne, Pose les fruits choisis sur des feuilles de vigne; Les pêches que recouvre un velours vierge encor, Et les lourds raisins bleus mêlés aux raisins d'or... Que le pain bien coupé remplisse les corbeilles, Et puis, ferme la porte et chasse les abeilles; Dehors, le soleil brûle et la muraille cuit Rapprochons les volets, faisons presque la nuit, Afin qu'ainsi la salle aux ténèbres plongée, S'embaume toute aux fruits dont la table est chargée... Maintenant, va puiser l'eau fraîche dans la cour, Et veille que surtout la cruche, à ton retour. Garde longtemps glacée et lentement fondue Une vapeur légère à ses flancs suspendue.
Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Le Repas préparé", appears in Aux Flancs du Vase, no. 1, first published 1897
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First appeared in La Revue des Deux Mondes, December 1, 1897, and then in Aux Flancs du Vase, Éd. du Mercure de France, Paris, 1898.Researcher for this text: Emily Ezust [Administrator]
6. Amphise et Melitta  [sung text checked 1 time]
Assis au bord du lac où baignent leurs pieds nus, Amphise et Melitta, depuis qu'ils sont venus Immobiles, les doigts unis les lèvres closes S'enivrent du beau soir d'or limpide et de roses, Et remplissent leur âme à la splendeur qui sort Des grands monts violets reflétés dans l'eau d'or. Le calme est infini... D'une insensible haleine, La brise à leurs pieds roule une eau ridée à peine Et les cygnes, au long des jardins d'orangers Voguent lourds de paresse et de parfums chargés. Jamais comme ce soir, et sans rien qui l'altère Amphise n'a goùté la douceur de la terre. "O Melitta" dit-il et laissant à dessein Son front pâle attardé sur la tiédeur du sein, Il écoute, si doux au fond du soir qui sombre Le bruit divin du coeur qui pour lui bat dans l'ombre... "Prends mon âme à ma bouche, ami," dit Melitta, "Prends mes yeux", dit Amphise et depuis qu'ils sont là La nuit bleue a noyé le lac et les campagnes Et la lune se lève au dessus des montagnes.
Authorship:
- by Albert Victor Samain (1858 - 1900), "Amphise et Melitta", appears in Aux Flancs du Vase, no. 9, first published 1897
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First appeared in La Revue des Deux Mondes, December 1, 1897, and then in Aux Flancs du Vase, Paris, Éd. du Mercure de France, 1898.
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