Jadis, aux jours du Feu, quand la Terre, en hurlant, [Roulait]1 son bloc fluide à travers le ciel blanc, Elle enfla par degrés sa courbe originelle, Puis, dans un vaste effort, creva ses flancs ignés, Et lança, vers le flux des mondes déjà nés, La Lune qui germait en elle. Alors, dans la splendeur des siècles éclatants, Sans relâche, sans fin, à toute heure du temps, La mère, ivre d'amour, contemplait dans sa force L'astre enfant qui courait comme un jeune soleil: Il flambait. Un froid vint l'engourdir de sommeil Et pétrifia son écorce. Puis, ce fut l'âge blond des tiédeurs et des vents: La Lune se peupla de murmures vivants; Elle eut des mers sans fond et des fleuves sans nombre, Des troupeaux, des cités, des pleurs, des cris joyeux; Elle eut l'amour; elle eut ses arts, ses lois, ses dieux, Et, lentement, rentra dans l'ombre. Depuis, rien ne sent plus son baiser jeune et chaud; La Terre qui vieillit la cherche encor là-haut: Tout est nu. Mais, le soir, passe un globe éphémère, Et l'on dirait, à voir sa forme errer sans bruit, L'âme d'un enfant mort qui reviendrait la nuit Pour regarder dormir sa mère.
Quatre Poèmes d'E Haraucourt , opus 7
by Charles Koechlin (1867 - 1950)
1. Clair de lune  [sung text checked 1 time]
Authorship:
- by Edmond Haraucourt (1856 - 1941), "Clair de lune", subtitle: "a Émile Guiter", appears in L'Âme nue, in 1. La Vie extérieure, in 1. Les Lois, no. 7
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Faith J. Cormier) , "Moonlight", copyright © 2001, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Mondlicht", copyright © 2004, (re)printed on this website with kind permission
Confirmed with Edmond Haraucourt: L'Ame Nue, Paris, G. Charpentier et Cie, éditeurs, 1885, pages 25-26.
1 Koechlin: "Jetait"Research team for this page: Emily Ezust [Administrator] , Peter Rastl [Guest Editor]
2. Pleine eau  [sung text checked 1 time]
Rire au matin; courir dans l'ondoiement des herbes; Croire à tout; secouer au ciel, comme des gerbes, La rose floraison des gaîtés de vingt ans; Être aimé de la vie, et fleurir le printemps; Ébaucher un amour dès qu'un hiver s'achève; [Être de l'avenir enfermé dans du rêve ...]1 Puis, au [bercement long]2 des barques, triomphant, Éclabousser le fleuve avec des cris d'enfant; Regarder le sillage ouvrir ses larges trames; Faire chanter la mousse au choc brusque des rames; Et, plus beau qu'un dieu grec, plonger ses flancs nerveux Dans l'eau verte qui fuit en léchant les cheveux; Sentir, comme un toucher d'amantes inconnues, Le frais baiser des flots glissant sur les chairs nues; Descendre... Et ce soir, loin, les pêcheurs trouveront, Des nénuphars aux pieds et des algues au front, Calme et serein, couché, blanc sur la vase brune, Un corps froid qui sommeille en regardant la lune...
Authorship:
- by Edmond Haraucourt (1856 - 1941), "Pleine eau", appears in L'Âme nue, in 1. La Vie extérieure, in 3. Les Formes, no. 6
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Faith J. Cormier) , "High water", copyright © 2001, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Flut", copyright © 2004, (re)printed on this website with kind permission
Confirmed with Edmond Haraucourt: L'Ame Nue, Paris, G. Charpentier et Cie, éditeurs, 1885, pages 113-114.
1 omitted by Koechlin2 Koechlin: "long bercement"
Research team for this page: Emily Ezust [Administrator] , Peter Rastl [Guest Editor]
3. Dame du Ciel  [sung text checked 1 time]
Madame la Lune, en robe gris pâle,
Dans les velours bleus et les satins verts
De ses grands salons à plafond d'opale
Reçoit les rimeurs de vers.
Et roulant son front nimbé de topaze
Parmi les coussins de nuages flous,
Elle écoute avec une feinte extase
Chanter son peuple de fous.
Nos regrets, nos vœux, nos bonheurs, nos peines,
Elle connaît tout depuis dix mille ans;
[Elle a des regards qui calment les haines
Et qui font des baisers blancs.]1
Pour guérir nos cœurs des tourments que sème
Le sourire froid des femmes ses sœurs,
Elle orne gaîment son sourire [blême]1
De caressantes douceurs.
[ ... ]
Puis, lorsque s'éteint le lustre d'étoiles
Qui [crépite]2 au loin dans le clair obscur,
Lente, elle s'en va dégrafer ses voiles
Sous ses courtines d'azur.
On croit qu'elle dort, lasse et solitaire,
Mais son char de nacre aux luisants essieux
L'emporte en fuyant autour de la terre;
Et déjà sous d'autres cieux,
Madame la Lune, en robe gris pâle,
Dans les velours bleus et les satins verts
De ses grands salons à plafond d'opale,
Reçoit les rimeurs de vers.
Authorship:
- by Edmond Haraucourt (1856 - 1941), "Dame du Ciel", subtitle: "a H. Béthune", appears in L'Âme nue, in 2. La Vie intérieure, in 1. L'Aube, no. 11
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Faith J. Cormier) , "Lady of heaven", copyright © 2001, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Frau Luna", copyright © 2004, (re)printed on this website with kind permission
Confirmed with Edmond Haraucourt: L'Ame Nue, Paris, G. Charpentier et Cie, éditeurs, 1885, pages 163-165.
1 omitted by Koechlin2 Koechlin: "scintille"
Research team for this page: Emily Ezust [Administrator] , Marc Lerique-Koechlin [Guest Editor] , Peter Rastl [Guest Editor]
4. Aux temps des fées  [sung text checked 1 time]
Aux temps jadis, aux temps rêveurs, aux temps des Fées, Il aurait fallu vivre aux bois, chez les muguets, Sous des branches, parmi les rumeurs étouffées. Sans rien savoir, sans croire à rien, libres et gais, Nourris de [clairs]1 de lune et buvant [les rosées]2, Il aurait fallu vivre aux bois, chez les muguets. Nous aurions su dormir sous deux feuilles croisées. Chanter avec la source et rire avec le vent, Nourris de [clairs]1 de lune et buvant [les rosées]2 - Le monde est faux, la chair vile, l'art décevant... Oh! se bercer au fond des palais d'émeraude, Chanter avec la source et rire avec le vent! Suivre la libellule et la brise en maraude!... [Peut-être Mab un jour nous eût changés en fleurs; Oh! se bercer au fond des palais d'émeraude! C'est si bon d'oublier sa joie et ses douleurs! Viens nous rouler dans les mousses ébouriffées...]3 Peut-être Mab un jour nous eût changés en fleurs,4 Aux temps jadis, aux temps rêveurs, aux temps des Fées.
Authorship:
- by Edmond Haraucourt (1856 - 1941), "Temps des Fées", appears in L'Âme nue, in 2. La Vie intérieure, in 3. Le Soir, no. 23
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Available translations, adaptations or excerpts, and transliterations (if applicable):
- ENG English (Faith J. Cormier) , "In the Fairy Days", copyright © 2001, (re)printed on this website with kind permission
- GER German (Deutsch) (Bertram Kottmann) , "Zur Zeit der Feen", copyright © 2004, (re)printed on this website with kind permission
Confirmed with Edmond Haraucourt: L'Ame Nue, Paris, G. Charpentier et Cie, éditeurs, 1885, pages 258-259.
1 Koechlin: "clair"2 Koechlin: "la rosée"
3 Koechlin replaces these four lines by the last line of the omitted stanza 4
4 Koechlin repeats here the first two lines of the poem
Koechlin's sung text:
Aux temps jadis, aux temps rêveurs, aux temps des Fées, Il aurait fallu vivre aux bois, chez les muguets, Sous des branches, parmi les rumeurs étouffées, Sans rien savoir, sans croire à rien, libres et gais, Nourris de clair de lune et buvant la rosée, Il aurait fallu vivre aux bois, chez les muguets, Aux temps des Fées. Nous aurions su dormir sous deux feuilles croisées Chanter avec la source et rire avec le vent, Nourris de clair de lune et buvant la rosée... Suivre la libellule et la brise en maraude, Chanter avec la source et rire avec le vent... Peut-être Mab, un jour, nous eût changés en fleurs Aux temps jadis, aux temps rêveurs, aux temps des Fées, Il aurait fallu vivre aux bois, chez les muguets, Aux temps jadis, aux temps rêveurs, aux temps des Fées.
Research team for this page: Emily Ezust [Administrator] , Peter Rastl [Guest Editor] , Joost van der Linden [Guest Editor]